Aigle Royal

Espèce protégée considérée comme vulnérable.


Aigle royal Aquila chrysaetos

L'aigle Royal aux Albertans

aigle royal par photocabos.comCette année encore, nous avons pu admirer notre couple d'aigle.
Nous avons notamment pu le suivre frôlant les crêtes à la recherche probablement de gibier.

Généralités

De catégorie faunistique holarctique, l’Aigle royal est répandu dans tout l’hémisphère nord. La population européenne est estimée à 5 000-6 000 couples (Watson 1997), celle de France continentale à un peu plus de 300 couples territoriaux ; en Corse, la population est estimée à une trentaine de couples (Torre 1996). Selon les régions, il faut y ajouter une proportion indéterminée d’oiseaux non cantonnés (de tous âges) ; dans les sites à forte densité (Parc national des Ecrins en 1993, 1996), des recensements montrent que ces derniers peuvent représenter près de 30 % des effectifs totaux en mars.

En Rhône-Alpes, l’Aigle royal est installé essentiellement dans les départements alpins (Haute-Savoie, Savoie, Isère et Drôme). Sa présence dans le massif du Jura et l’Ardèche est notée régulièrement. La nidification d’un couple dans le département de l’Ain a été prouvée en 1996 (Maire et al. 1997) ; bien qu’exceptionnelle, elle confirme le retour de l’espèce dans des régions abandonnées depuis des décennies. Il est possible que l’on observe le même phénomène en Ardèche dans les années à venir. En revanche, les départements du Rhône et de la Loire semblent peu propices à l’installation de nicheurs, malgré quelques observations d’individus en erratisme (un individu tué le 19 décembre 1963 près de Roanne par exemple).

Estimation du nombre de couples d’Aigle royal en région Rhône-Alpes.

Département Nombre de couples connus Source
Haute-Savoie 30 Matérac Bull. F.I.R. n°30, 1997
Savoie 21 Lebreton et Martinot 1998
Isère 27 Drillat (C.O.R.A.) Bull. F.I.R. n°30, 1997 & 1999
Drôme 30 Mathieu (comm. pers.) 1997
Ain 1 Maire et al. 1997
Ardèche 1 Bull. F.I.R. n°30, 1997
Rhône 0
Loire 0
Total 110

Les densités maximales sont atteintes dans les régions au relief accidenté et à faune riche. Les effectifs d’aigles royaux de l’arc alpin sont compris entre 1 080 et 1 150 couples (Couloumy 1998 in Drillat 1999). A l’occasion d’un comptage des aigles en Oisans (38) en 1996, les gardes-moniteurs du parc national des Ecrins ont dénombré 24 oiseaux différents sur une zone couvrant environ 550 km². Dans le même secteur, 8 couples cantonnés sont connus. L’écart moyen entre les nids occupés simultanément dans ce parc est de 8,8 km (P.N.E. en 1996) ; les plus rapprochés sont distants de moins de 5 km.

L’habitat de l’Aigle royal en région Rhône-Alpes est constitué d’espaces ouverts ou semi-ouverts au relief escarpé avec présence de falaises. Dans la partie méridionale de la région quelques couples sont installés à relativement basse altitude, sur des corniches calcaires des massifs préalpins, à l’instar de ce qui est connu dans le sud de la France (Huboux 1986). Dans les Alpes Internes, l’espèce occupe surtout les étages subalpin et alpin, bien que des sites de reproduction soient connus beaucoup plus bas (400 m d’altitude en Isère). Le record d’altitude pour une aire d’aigle ayant donné un aiglon à l’envol est de 2 500 m dans le parc national de la Vanoise (73). Le rapace peut toutefois être observé un peu partout - même en plaine - à l’occasion de ses déplacements au long de l’année, mais plus particulièrement en automne ou en hiver. Dans les montagnes, en hiver, il est plus fréquemment noté à basse altitude et près des villages.

Les aigles royaux ont besoin de tranquillité pour mener à bien leur reproduction. Les perturbations diverses, liées notamment aux activités humaines, les obligent à fuir des sites séculaires pour s’installer dans des falaises de repli exposées à des conditions climatiques beaucoup plus sévères. Dans d’autres rares cas, comme en Haute-Tarentaise, ils sont capables d’entreprendre une nidification au beau milieu de l’agitation touristique et de la réussir ! Les aires sont principalement construites dans des falaises bien que quelques cas de nidification dans des arbres soient signalés. L’Aigle royal est considéré comme sédentaire dans les Alpes, où les mouvements véritablement migratoires semblent très limités. L’erratisme, encore mal connu en l’absence d’un programme de marquage en France, ne concernerait pas seulement les jeunes. L’étude d’Haller (1996) en Suisse orientale, a mis en évidence les déplacements d’individus en hiver et leur relation avec la disponibilité en nourriture.

En janvier-février, les couples marquent fortement leurs territoires et commencent à recharger une ou plusieurs aires. Dans notre région, l’Aigle royal pond au cours de la deuxième quinzaine de mars (fin février-début mars) ; les aiglons éclosent au début de mai, leur envol a lieu à la fin de juillet (fig. 1). Les rares informations recueillies sur les pontes confirment une moyenne de 2 œufs. Un cas exceptionnel a été observé à Sixt Fer à cheval (74), où un trio (2 femelles pour un mâle) a pondu au moins 4 œufs donnant l’envol à 4 jeunes (Desmet et al. 1994) ! Dans les parcs nationaux des Ecrins (Couloumy 1996) et de la Vanoise, où les populations sont bien suivies, la productivité est proche de 0,5 jeune / couple / an, valeur conforme à celles observées ailleurs dans les Alpes. Dans le parc des Ecrins, la réussite de nichées comportant 2 aiglons à l’envol est relativement fréquente (25 % des cas) ; si l’envol des jeunes se produit en général au cours de la troisième décade de juillet, quelques attardés sont notées jusqu’à la mi-août.

L’Aigle royal est présent en Rhône-Alpes et surtout dans la zone alpine depuis fort longtemps ; cet animal a toujours fait partie du cadre de vie des populations montagnardes et les savoyards connaissent certaines aires d’aigles depuis des dizaines d’années, voire des siècles. L’appartenance de l’espèce à la faune ardéchoise ancienne ne prête pas davantage au doute. La protection légale des rapaces a permis au cours de ces deux ou trois dernières décennies un accroissement indéniable des effectifs. A partir des bastions à bonne densité (Ecrins, Vanoise, Haute-Savoie et Drôme), les ré-installations de couples constatées par les ornithologues à la fin des années 1990 devraient se poursuivre dans les secteurs favorables des départements périphériques du massif alpin ; l’accroissement récent de la population drômoise en est un exemple encourageant. Ce mouvement ne pourra se maintenir qu’à condition que la quiétude des sites de reproduction, souvent compromise par les activités humaines (vol libre, escalade, randonnée, chasse photographique, travaux), soit respectée. Sur 48 cas de mortalité (ou d’accidents) recensés en région Rhône-Alpes et dont la cause est connue (sur un total de 66), 40 sont imputables, directement ou indirectement, aux activités humaines, dont 22 cas de tir, qui reste une cause de mortalité non négligeable. Il faut compter sur une évolution des mentalités et poursuivre les efforts d’information sur la protection des rapaces. Enfin, la présence de câbles aériens est un danger permanent qui touche indifféremment jeunes et adultes. Electricité de France est le principal organisme concerné et peut mettre en place, avec les associations locales, des mesures de visualisation ou de neutralisation des lignes dangereuses à négocier au cas par cas. Comme Haller (1996), nous pensons que l’observation de plus en plus fréquente d’aigles royaux victimes d’agressions intra-spécifiques reflête l’augmentation de la densité des couples cantonnés et témoigne de la dynamique positive de cette espèce.

Une longue histoire…

L’Aigle royal, magnifiant la nature sauvage, a dû faire face à partir du début du 19ème siècle aux pires des persécutions notamment en Europe et en Amérique du Nord.

Au moyen âge, il était considéré comme l’oiseau des rois et son abattage était interdit aux manants au risque de la peine capitale. Puis tout a commencé lorsque nos sociétés en plein essor industriel et agricole ont engagé la grande traque contre les nuisibles. Le décret du 12/12/1905 fixant la liste des nuisibles et utiles allait alors organiser les massacres qui suivirent.

Entre 1950 et 1970, ce sont plusieurs millions de rapaces qui ont été abattus en Europe notamment en France et en Allemagne et le plus souvent avec en contrepartie le versement de prime « d’encouragement ». Ainsi, sans aucune distinction toutes les espèces qui portaient des serres et un bec crochu ont été condamnées à mort par tous les moyens : des battues, aux affûts, en passant par les piégeages, les appâts empoisonnés, les abattages des reproducteurs, jusqu’aux destructions des aires et des nichées,…, tout était permis jusqu’à pourchasser l’espèce en avion en Amérique du Nord. Ces massacres glorifiés dans la presse n’ont pas pour autant amélioré le statut des gibiers, en revanche, les rapaces ont payé un lourd tribut au point que certains ont disparu et d’autres sont toujours menacés d’extinction.

Les données de paléogéographie signalent l’Aigle royal en France au Pléistocène moyen (800 000-128 000 ans BP ) et supérieur (128 000-10 000 ans BP), au Cap de la Biehle, à la Caune de l’Arago, à Evenos, à Combe Grenal, à la Fage, à Lunel- Viel et à Terra Amata. Il était également signalé en Géorgie à Kudaro ; en Italie à la grotte Maggiore di San Bernardino ; en Tchéquie à Chlum ; en Azerbaïjan dans le site de Binagady. Il ne semblait pas alors différer par les dimensions et la morphologie de l’Aigle royal actuel, tels que le confirment les fragments trouvés dans la grotte du Lazaret, située à Nice dans les Alpes-Maritimes (ROGER. 2004). Toutefois, le travail de comparaisons des os a permis de mettre en évidence des différences de proportions et de tailles des formes fossiles révélant soit des écotypes, soit l’apparition de sous-espèces nouvelles. Ainsi, en Corse, un aigle de la stature de l’Aigle royal actuel mais présentant des différences allométriques par rapport à l’espèce actuelle figure sur la liste des oiseaux du Pléistocène.

Ceci étant énoncé, l’Aigle royal était certainement représenté bien avant le Pléistocène, de l'Oligocène au Pliocène (de -36 à -2 millions d'années), par une forme voisine de celle que nous connaissons.

Une période sombre de persécution…

L’Aigle royal a su traverser les âges. Pour nous parvenir, il a dû résister aux bouleversements climatiques du pléistocène (de -2 millions d'années à -10 000 ans). Malgré cet extraordinaire périple, son existence a été mise en péril à notre époque par l’homme qui, en le persécutant, l’a exposé aux pires des dangers !

Après plus de 150 ans de persécution l’Aigle royal et les rapaces ont été ensuite progressivement protégés :
• Arrêté du 24/04/1972 abrogeant la chasse des rapaces ;
• Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) du 3 mars 1973 (Washington) ;
• Puis loi du 19/07/1976, complétée par l’arrêté du 17/04/1981 modifié par celui du 05/03/99, qui fixait la liste des espèces protégées…

Description

L’Aigle royal figure parmi les plus grands aigles dont la silhouette harmonieuse se distingue aisément dans le ciel décrivant des figures vertigineuses ou bien planant les ailes étendues.

Le plumage de l’adulte de l’Aigle royal est d’un brun-roux nuancé avec la face supérieure de la tête plus claire. Le bec est de couleur foncée, la cire et les doigts sont jaunes, et la queue discrètement rayée. Les plumes du dessus de l’oiseau sont généralement plus pâles, principalement celles du derrière de la tête qui sont teintées de doré. Cette pigmentation procure à ce prédateur un camouflage efficace; c’est probablement pour cette raison que ces oiseaux sont le plus souvent détectés en vol plutôt qu’au sol.

Le plumage des immatures est plus foncé que celui des adultes et moins uniforme que celui des juvéniles. Il est caractérisé par deux cocardes blanches sur les ailes à la base des primaires et par une bande blanche à la base de la queue, terminée par une large barre noire.

Le plumage des juvéniles est quant à lui nettement plus sombre que l’adulte avec des cocardes blanches sus alaires et de larges bandes blanches sous alaires sur presque toute la longueur de l’aile bien perceptibles. La queue blanche se distingue, elle est bordée d’une bande noire terminale et d’un liseré blanc à l’apex.

Taille : 80 à 87 centimètres (mâle), 90 à 95 centimètres (femelle)
Envergure : 190 à 210 centimètres (mâle), 215 à 230 centimètres (femelle)
Poids : 2900 à 4550 grammes (mâle), 3800 à 6600 grammes (femelle)
Longévité : 30 à 40 ans dans la nature et plus de 50 ans en captivité.
Voix : L’Aigle royal est particulièrement silencieux. Il peut toutefois émettre des « glatissement » qui même s’ils sont rares chez l’adulte sont plus communément utilisés par les aiglons. Les sons émis sont très divers et varient en fonction des situations. Ils sont notamment plus loquaces aux abords du nid. Les cris plaintifs émis par les jeunes s’apparentent à deux syllabes : « kyok-kyok- kyok ». Ces cris sont perceptibles à l’aire et en vol durant la période de dépendance et audibles à plus d’un kilomètre.

Habitat

L'Aigle royal fréquente les habitats ouverts et semi-ouverts en terrain montagneux, là où les lagomorphes et les petits rongeurs sont présents. On le rencontre dans différents habitats, des régions sub-désertiques du Sahara, aux toundras arctiques, en passant par les forêts boréales, la taïga, les forêts de résineux, mixtes et de feuillus aux parcours herbacés de landes plus ou moins boisés, aux boisements clairs de montage jusqu’aux secteurs de haute montagne. Avant d’être persécuté, en France, il était présent en plaine, comme en forêt de Fontainebleau ou bien encore en Champagne. Aujourd’hui son aire reste confinée aux secteurs de montagne.

Son territoire de chasse se caractérise par deux principaux facteurs : une visibilité sur de grandes distances et une aérologie permettant les vols libres thermodynamiques (Cramp et Simmons 1980).

Son domaine vital, étroitement lié aux ressources trophiques de son territoire, varie de 50 km et 100 km² pouvant aller jusqu’à 300-400 km² voire 1100 km² (estimé dans la baie d’Hudson au Canada de juin à octobre).

Des auteurs (Brown et Amadon. 1968) ont mentionné que la dimension du domaine vital des Aigles royaux fréquentant des zones boisées, comme celles de l’est de l’Amérique du Nord, pouvait dépasser 500 km²

nid d'aigle royalGlobalement, il semble préférer les paysages hétérogènes et recherche les secteurs à l’écart des activités humaines tels que les versants escarpés dotés de falaises ou de peuplements forestiers comportant des vieux résineux (Sapin, Pin noir ou Pin sylvestre). Ainsi, le plus souvent très difficiles d’accès, ses sites de nidification sont le plus souvent à l’écart des risques de perturbations humaines. L’aigle présente en effet, une très grande sensibilité aux dérangements pendant la période de reproduction. Toute intervention humaine à proximité de l’aire peut provoquer l’abandon de la reproduction.

Le nid est généralement construit sur une paroi rocheuse dominante, mais dans certaines régions, il peut-être édifié au sommet de grands arbres tabulaires (p.ex. Pinus nigra, Abies pectinata en France, P. strobus en Amérique du nord, etc.). C’est ainsi que dans le sud-ouest des États-Unis et dans certaines régions d'Écosse, les nids sont souvent construits dans les arbres (Mc. Gaham 1968), alors qu’en France, même si des aires arboricoles sont relevées dans le Massif Central, les nids sont majoritairement rupestres.

La hauteur des aires de nidification en milieu rupestre est variable (d’une trentaine à plusieurs centaines de mètres), en revanche, l’exposition semble particulièrement importante. Les Aigles royaux préfèrent les expositions à l’abri des vents dominants et dédaignent les expositions au nord. L’exposition est un facteur important au début du printemps, principalement pour les adultes qui couvent, lorsque les températures mensuelles moyennes sont négatives.

Reproduction

Il semble que la proportion de couples non reproducteurs soit plus élevée lorsque la nourriture est rare. La disponibilité des ressources alimentaires constitue un facteur déterminant dans la dynamique des populations d’Aigles royaux. Ainsi donc le comportement reproducteur des aigles et le succès de la reproduction sont étroitement liés à l’existence d’un apport énergétique régulier. Par conséquent, il n’est pas étonnant de constater une diminution du nombre de couples nicheurs lorsque survient une baisse des effectifs de proies. Le pic de mortalité de l’Aigle royal coïncide avec la fin de l'hiver. Il s’agit d’une période critique pour l'Aigle royal car c'est également à cette période que les populations des principales proies sont à leur plus bas niveau.

La plupart des couples d'Aigles royaux semblent unis pour la vie et fidèles à leur site de nidification (Watson 1997). Ainsi, les opérations de suivi ont permis de constater que des sites historiques de reproduction peuvent être utilisés plusieurs décennies voire un siècle ou plus par une succession d'individus.

Toutefois, lorsqu'un des membres du couple disparaît, il est très rapidement remplacé par un autre individu. Si les deux individus d'un couple disparaissent, le site de nidification vacant est rapidement réinvesti par un nouveau couple.

La densité des couples territoriaux varie en fonction de la qualité de l’habitat et de la quiétude des territoires occupés, notamment vis-à-vis des activités humaines. Plus spécifiquement et de manière schématique, la qualité de l’habitat des Aigles royaux est étroitement liée à la diversité des paysages (couverts végétales, topographie, …), à la disponibilité du territoire en gîtes et en proies. Le comportement extrêmement territorial de l’Aigle royal et la capacité d’adaptation de l’espèce rendent cette notion de densité très difficile à apprécier. Différentes études révèlent que les domaines territoriaux des Aigles royaux varient selon un rapport de 1 à 10.

En fait, pour bien comprendre, les Aigles royaux protègent leurs nids et progénitures contre les individus de la même ou d’une autre espèce mais ne défendent pas leurs territoires de chasse. Ainsi, certains couples voisins peuvent chasser à l’occasion sur les mêmes territoires lorsque ces territoires communs sont riches en proies et dépourvus d’aires de reproduction. A titre indicatif, selon les régions les domaines des couples reproducteurs fluctuent aux environs de 30 km² à 50 km². En Amérique du Nord des densités plus importantes ont été relevées avec des distances moyennes entre les nids d’environ 4 km (Phillips et al. 1990).

Dès l’automne, les Aigles royaux paradent et s’affèrent à la construction et au rechargement des nids. C’est le temps des jeux aériens : longs piqués, vols en feston, retournements serres à serres et offrandes de proies.

Les nids sont construits à l’aide de branches, de racines, de végétaux et de matériaux divers. L'intérieur des nids est tapissé de verdure ce qui, selon certains auteurs, limite le développement de parasites dans les nids (Newton 1979; Watson 1997).

Un couple dispose de plusieurs nids alternatifs et les distances entre ces différents nids alternatifs peuvent varier de quelques mètres à quelques kilomètres. Les oiseaux qui n’ont pas eu de succès dans leur reproduction une année peuvent ainsi utiliser un nid alternatif l'année suivante.

L’initiation de la ponte a lieu courant mars sous nos latitudes alors qu’elle est plus tardive dans les régions les plus septentrionales (début d’avril jusqu’à la mi-juin).

Le nombre d'œufs varie de un à 3 parfois 4 mais les couvées de deux sont les plus fréquentes (Brown et Amadon 1968). La couvaison est effectuée principalement par la femelle mais le mâle participe fréquemment à cette tâche et assure l’approvisionnement en nourriture. Les œufs éclosent après 43 à 45 jours d’incubation à plusieurs jours d'intervalle les uns des autres. Les jeunes aiglons restent environ 77 à 81 jours au nid. Leur poids à la naissance est d’environ 100 g. Ils sont alors recouverts d’un duvet blanc. Les jeunes aiglons peuvent se tenir sur leurs pattes vers l’âge de 20 jours. La croissance des plumes commence à l’âge de 30 jours et avec l’apparition du plumage ils acquièrent plus d’endurance aux variations de températures. Après le premier envol, courant juillet, les aigles immatures resteront à proximité du nid le temps de s’émanciper jusqu’en automne ou au début du printemps suivant, où ils seront chassés du territoire parental. Les immatures, ainsi chassés hors des territoires parentaux, entrent dans une phase de dispersion et d’errance à la recherche d’un partenaire et d’un territoire…

Le record de longévité de l'aigle royal à l'état sauvage est d'environ 32 ans tandis que celui en captivité est de 46 ans.

La rencontre d’un partenaire intervient, lorsque l’Aigle royal atteint sa maturité sexuelle vers l’âge de 4 ou 5 ans (Brown et Amadon 1968 ; Watson 1997). Il atteint donc parfois sa maturité sexuelle avant son plumage d’adulte qui intervient vers 5 ans ou plus exceptionnellement 6 ans.

Durant cette phase d’errance les immatures chercheront à ne pas trop s’éloigner du territoire parental dont ils connaissent l’abondance en proie. En effet, les territoires non occupés par des couples territoriaux recèlent d’une abondance en proie certainement moindre. Ces derniers territoires sont exposés à de plus grandes nuisances, ou encore présentent des faciès de milieux moins favorables (mieux fermés,…). Ainsi, les jeunes immatures en cours d’émancipation sont non seulement exposés à l’agressivité des couples territoriaux des espaces qu’ils traversent mais également sont refoulés vers les secteurs les moins attractifs, du moins les moins riches en ressources trophiques. Il n’est donc pas étonnant que l’espérance de vie des immatures est extrêmement basse avec une mortalité des individus supérieure à 50 % voire proche des 80 %...

De proche en proche, expulsés par les couples territoriaux, les immatures pourront ainsi s’éloigner de quelques dizaines de kilomètres du territoire où ils sont nés à plusieurs centaines de kilomètres. Les distances de dispersion ainsi mesurées dans la littérature sont comprises dans une fourchette de plusieurs dizaines de km à 1000 km.

L'Aigle royal est donc essentiellement une espèce sédentaire dans le sud de son aire de répartition alors que les populations nichant dans les régions subarctiques d’Europe, d’Asie, et d’Amérique sont migratrices.

Régime alimentaire et technique de chasse

L’Aigle royal se distingue par son régime alimentaire diversifié. Il est euryphage et ainsi capture une grande variété de proies avec un attrait tout particulier pour les petits mammifères (de 1 à 15 kg), mais également à l’occasion ou selon les régions, il ne dédaigne pas les oiseaux, les reptiles, ou bien encore les poissons, etc.

Cette préférence pour les proies de taille modeste, permet à l’Aigle royal de préserver un bon équilibre entre l’énergie déployée lors de l’acte de chasse et les calories représentées par la proie convoitée. L’Aigle royal a développé une technique de chasse efficace qui repose sur une capture par surprise et une mise à mort rapide. Après une prospection ou bien au hasard d’une rencontre, il fond sur sa proie, ailes ramassées, projette ses serres en avant et au moment de l’impact avec sa proie, ouvre ses ailes pour amortir le choc. La proie, ainsi maintenue dans ses serres, périe le plus souvent sous la violence de l’impact et suite à la perforation d’organes vitaux, infligée par l’ongle du pouce.

L’Aigle royal évalue donc toujours les risques encourus avant l’attaque d’une proie. Si un aigle expérimenté (généralement adulte) peut convoiter des proies dangereuses tels que des carnivores, des ongulés, des suidés, etc., un individu inexpérimenté s’expose, quant à lui à des risques et à des efforts inconsidérés. Ce type de situation constitue probablement l’une des premières causes de mortalité des aigles immatures et inexpérimentés.

L’Aigle royal occupe une place prépondérante dans le réseau trophique des écosystèmes en participant efficacement à la régulation des populations par une sélection des individus les plus vulnérables et les plus affaiblis (p.ex. animaux malades). Il contribue donc à la sélection positive des populations d’espèces qu’il convoite et, lorsque ses proies opportunes régressent, il reporte son attention sur d’autres espèces, …

Le régime alimentaire de l'Aigle royal est donc influencé par la disponibilité des proies présentes dans son domaine vital et la dynamique de leurs populations. Il est opportuniste et lorsque la nourriture vient à manquer, il n’hésite pas à devenir nécrophage en se nourrissant d’animaux trouvés morts.

Statuts

L’Aigle royal, comme toutes les espèces de rapaces, est protégé en France, selon la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, codifiée aux articles L-411-1 et suivants du code de l’environnement. (Voir également l’arrêté d’application modifié du 17 avril 1981 fixant les listes des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire). Il figure également parmi les espèces désignées dans l’arrêté du 29 octobre 2009 qui traite des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et des modalités de leur protection.

Il figure à l’annexe I de la Directive « Oiseaux » (n° 79/409 du 6 avril 1979). Cette directive européenne s'applique à tous les Etats membres de la Communauté, depuis le 6 avril 1981. Elle vise à assurer la protection de toutes les espèces d'oiseaux désignées en annexe I de la dite Directive et elle permet la désignation de Zones de protection spéciale, qui font parties du réseau Natura 2000.

L’Aigle royal, figure également à l’annexe II de la Convention de Berne du 19 septembre 1979 qui a pour objet d'assurer la conservation, au niveau européen, de la flore et de la faune sauvages et de leurs habitats naturels, notamment des espèces et des habitats dont la conservation nécessite la coopération de plusieurs Etats.

Considérée comme une espèce migratrice se trouvant dans un état de conservation défavorable et nécessitant l’adoption de mesures de conservation et de gestion appropriées dans certaines régions d’Europe, l’Aigle royal figure à l’annexe II de la Convention de Bonn du 23 juin 1979 qui lui accorde un statut de protection à l'échelle mondiale.

L’Aigle royal est protégé par la Convention de Washington ou CITES du 03 mars 1973 et figure à l’annexe II concernant les espèces qui, bien que n'étant pas nécessairement menacées actuellement d'extinction, pourraient le devenir si le commerce de leurs spécimens n'était pas étroitement contrôlé. Cette Convention sur le commerce international des espèces est un accord international entre Etats qui a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent.

D’autre part, l’Aigle royal figure à l’annexe C1 du règlement communautaire n°3626/82/CEE relatif à l’application de la CITES dans l’Union Européenne.

L'aire de distribution de l’Aigle royal est étendue mais discontinue (cf. § « L’Aigle royal est présent sur de vastes territoires… »), notamment dans la plupart des pays d’Europe qui abrite moins d'un quart de sa population mondiale. La population européenne de l’Aigle royal n’est pas très importante avec environ moins 8500 couples, toutefois, elle semble stable et/ou en légère augmentation. Néanmoins, les faibles effectifs de la population de l’Aigle royal le rendent vulnérable aux différentes menaces qui l’affectent chaque année. Il est par conséquent jugé comme rare en Europe comme en France (avec moins de 10% des couples nicheurs européens). De ce fait, l’Aigle royal est inscrit sur la liste rouge de la faune menacée de France, dans la catégorie « rare ». Il est classé dans la catégorie CMAP 5 (espèce dont le statut français n’est ni défavorable ni fragile, contrairement au statut européen).

A l’échelle européenne, d’après les critères définis par Birdlife International (Tucker & Heath, 1994), l’Aigle royal est classé dans la catégorie SPEC 3 (espèce non concentrée en Europe au statut de conservation défavorable).

L’Aigle royal figure sur la liste rouge des espèces menacées de disparition au niveau mondiale de l’UICN, dans la catégorie LC « préoccupation mineure » et dans la catégorie VU « vulnérable » sur la liste rouge des espèces menacées de disparition en France de l’UICN.