Le Baron de l'Espée

Albert de l'Espée.

Mais qui était donc ce baron dont tout le monde parle ?

Albert de l'Espée (1852-1918 est l'ainé de trois enfants issus de l'union de Marie-Joséphine de Gargan et d'Edouard de l'Espée.

Riche héritier de la famille des Wendel et des Gargan, propriétaire du plus grand empire sidérurgique qui comptait près de 50 000 ouvriers à la fin du XIX siècle, Albert a passé son enfance en Lorraine ; souffrant d'une bronchite chronique avec laquelle il devra vivre toute sa vie. De ce fait, il ne pourra pas suivre de grandes études et à la place de la pratique de toute activité physique, il étudie le piano et l'orgue auquel il voue une passion débordante.

Des passions, il en aura bien d'autres ; mais c'est surtout la chasse et les chiens qui lui feront découvrir bien des contrées de France. Il se passionnera pour toutes les nouvelles technologies de l'époque et manifestera un grand intérêt pour le théâtre et l'opéra. Tous ces facteurs seront déterminants dans la suite de son existence .

Actionnaire millionnaire des usines Wendel, Albert préfèrera la vie de rentier à celle du travail et décidera de satisfaire ses passions pour lesquelles il n'aura pas de limites. Pour son château d'Ilbarritz, il fit construire un orgue gigantesque au point que l'architecte dût s'adapter au plan de l'orgue pour construire la résidence !

Il épousera Delphine de Bongars et aura un fils ; René. Il ne montrera guère d'intérêt ni pour l'une ni pour l'autre, préférant s'évader pour assouvir ses passions dans les nombreuses résidences qu'il fera construire : Théoule, Belle Ile, Thonon, Montriond, Saint Vallier, Kéroset, Les Adrets de l'Esterel, Ilbarritz.

Arrivée dans la vallée.

C'est sur les conseils de son médecin, lors d'une cure thermale à Thonon que le baron à dévouvert la Haute-Savoie. Séduit par la région, il achète une maison au Morillon (près de l'hôpital de Thonon) et lors d'un séjour en 1895, Albert et sa maîtresse partent visiter notre vallée.

Il découvrent alors Montriond, son lac « noir »et les falaises qui l'entourent. A cette époque, seule une petite chapelle occupe cet endroit magique, construite 40 ans plus tôt par l'abbé Cottet, celui-là même qui fut soupçonné dans l'affaire des possédés de Morzine.

Pour le baron et sa compagne, c'est le coup de foudre. Ce terrain, banni des gens de la vallée fera l'affaire : il en devient donc acquéreur et un nouveau chantier ne tardera pas à voir le jour.

Construction du chalet.

Le chalet fut construit en un temps record, 40 ouvriers y travaillerons.

A l'intérieur, un hall salon ouvert sur le lac abrite un orchestrion (mélange de piano mécanique e d'orgue de barbarie mû par un moteur électrique) construit à Lyon par l'entreprise Merklin.

Moteur électrique ? En effet, outre les deux salles de bains (alors que personne n'a l'eau courante dans la vallée!), le baron a utilisé une source au niveau des « Bourdets », relayée par un réservoir au « Clou » ce qui permettait à l'eau d'arriver au chalet pour faire tourner une petite usine électrique fournissant l'énergie à toute la demeure.

Malgré tout ce raffinement, notre hôte n'est pas satisfait du lac, car son niveau est trop irrégulier. Il fait donc construire un barrage (visible la dernière fois lors des travaux entrepris par Georges Vulliez et son équipe municipale entre 1989 et 1991).

Des blocs de rochers sont extraits aux abords du lac pour colmater les trous de fuite en aval, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous et le chantier sera vite abandonné.

Passionné de chasse mais piètre marcheur, le baron parcourait nos montagnes à dos de mulet, tiré sur une luge ou attaché à une corde et tracté à l'aide de poulies par ses domestiques. On raconte qu'un paysan peu scrupuleux aurait attaché une chèvre dans un endroit où le gibier avait l'habitude de se rendre, afin que le baron la confonde avec un chamois et lui indemnise grassement sa chèvre. L'histoire raconte que le baron ne serait tombé dans le piège qu'une seule fois.

C'est dans un garage de Morzine qu'un suisse de nom d'Alexandre Liwenhal, prépare dans le plus grand secret la commande du baron. Un jour, à la stupéfaction des meurians, un ballon captif est assemblé au Plan de Montriond vers « Chez les Grivel » avant d'être acheminé au lac, maintenu par une corde. Le baron avait l'habitude de s'élever au dessus du lac et à l'occasion d'une sortie, la corde qui le retenait au sol a lâché et le ballon a fini sa course chez nos voisins helvètes ! De nombreux habitants ont eu le privilège de faire un baptême de l'air.

C'est lors d'une de ces sorties que le baron a remarqué la beauté du site de Séraussaix. Bien que difficile d'accés depuis le lac, le baron en tombe amoureux et décide d'y construire une résidence. Les matériaux devront être acheminés en ballon, car qu'à cela ne tienne, pour Albert rien n'est impossible ! Une source est captée près du chantier : c'est la « fontaine du baron » encore en fonctionnement à l'heure actuelle. Elle se situe prés du chalet et de la dépendance qui furent ébauchés, abandonnés puis démonté par les habitants de Morzine pour d'autres usages. Seuls la source et le téléski portent encore le nom de notre facétieux personnage.

Le baron apportera encore quelques modifications à son chalet du lac, puis se désintéressera progressivement de toutes ses résidences.

La fin.

Celle de Montriond sera donnée à la vente en 1902, pour une somme dérisoire par rapport aux montants investits. Nul ne sait où se trouve l'orchestrion ! Par la suite, le bâtiment deviendra hôtel, sera délaissé et ensuite acheté par les établissements Pernod dans les années 1960 pour en faire une colonie de vacances ; appelé « chalet Jacaueline ».

C'est lors d'une fête organisée par la colonie et son directeur, Monsieur Boucreux que furent tirés les premiers feux d'artifices. L'idée a séduit ; et depuis 1977, chaque année la commune organise les « feux du lac ».

En 1994, la municipalité fera ensuite l'acquisition du « Domaine du Baron ». Devenu vétuste et peu fonctionnel, il trouve aujourd'hui une nouvelle destination avec la construction de la Salle polyvalente du Baron.

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